Aux États-Unis, l’adoption du GENIUS Act marque un tournant majeur dans la régulation des stablecoins. En imposant des garde-fous stricts aux géants technologiques et aux banques, le texte redistribue les cartes du secteur. Plébiscité par Circle, redouté par certaines institutions financières, il pourrait rediriger les flux de capitaux vers les protocoles de finance décentralisée basés sur Ethereum. La promesse d’un « été DeFi » se dessine à l’horizon, soutenue par un cadre juridique désormais clarifié.
Le GENIUS Act : une régulation ferme, pensée pour freiner les concentrations
Promulgué avec un soutien bipartisan, le Guiding and Establishing National Innovation for U.S. Stablecoins (GENIUS) Act impose un cadre fédéral rigoureux à l’émission de stablecoins. Si les acteurs disposant de moins de 10 milliards d’actifs peuvent encore opérer sous les lois locales, ceux dépassant ce seuil devront se conformer à une charte bancaire nationale et à un dispositif réglementaire exigeant. Parmi les dispositions les plus notables :
- Interdiction des stablecoins à rendement : plus aucun jeton adossé au dollar ne pourra générer de rendement de base.
- Examen antitrust obligatoire pour tout nouvel émetteur.
- Obligation de structure distincte : les émetteurs devront fonctionner comme des entités autonomes, sans lien direct avec une banque ou un groupe technologique.
- Contrôle renforcé par le Trésor américain, qui conserve un droit de veto sur les nouvelles émissions.
Ces mesures visent clairement à éviter les dérives monopolistiques, en particulier celles de grandes plateformes technologiques qui auraient pu, sans contrôle, dominer l’émission de monnaies numériques — un spectre incarné par le projet avorté Libra de Meta. Dante Disparte, directeur de la stratégie chez Circle, salue ces restrictions. Selon lui, elles protègent non seulement les consommateurs, mais aussi la stabilité du dollar, tout en favorisant des émetteurs « à la Circle » : neutres, transparents, et centrés sur la mission monétaire.
Vers un transfert massif vers la DeFi sur Ethereum ?
En bannissant le rendement au niveau des stablecoins, le GENIUS Act pourrait paradoxalement relancer l’intérêt pour la finance décentralisée (DeFi). Selon l’analyste Nic Puckrin, les détenteurs de stablecoins cherchant à générer des revenus passifs se tourneront naturellement vers les protocoles de la DeFi, principalement hébergés sur Ethereum, qui restent, eux, capables d’offrir du rendement via des mécanismes comme le staking, les pools de liquidité ou les obligations décentralisées.
De fait, des produits comme Aave, Lido, ou Compound pourraient devenir les nouveaux réceptacles de ce capital en quête de rendement. Christopher Perkins, président de CoinFund, va plus loin : pour lui, l’absence de rendement sur les stablecoins transforme le dollar en actif dépréciatif, tandis que la DeFi permet de préserver et faire croître la valeur.
Même les institutions pourraient y voir une opportunité : soumises à la pression du rendement actionnarial, elles pourraient se tourner vers des protocoles DeFi pour contourner l’interdiction du rendement stablecoin, tout en restant dans un cadre conforme.
Une régulation attendue, mais contestée
L’interdiction du rendement stablecoin n’est pas sans polémique. Lors du DC Blockchain Summit, la sénatrice Kirsten Gillibrand a justifié cette disposition en affirmant qu’un stablecoin porteur de rendement menacerait directement le système bancaire traditionnel. Une opinion qui a été vivement critiquée par Austin Campbell, professeur à la New York University, qui y voit une manœuvre de protection des banques sous couvert de sécurité financière.
De son côté, Reeve Collins, cofondateur de Tether, estime que les stablecoins adossés au fiat et offrant un rendement sont « naturellement plus attractifs » pour les investisseurs. Il prédit qu’ils pourraient à terme remplacer les stablecoins classiques — du moins hors des frontières américaines.
Un terrain plus clair pour l’innovation sur Ethereum
Au-delà de la bataille politique, le GENIUS Act pose les bases d’un nouveau paradigme pour l’écosystème crypto américain. Pour Leo Fan, cofondateur de Cysic, cette loi offre enfin la sécurité juridique dont les développeurs, investisseurs et institutions avaient besoin pour innover à plus grande échelle.
Il ne s’agit pas d’un aboutissement, mais d’un socle : l’infrastructure technique (scalabilité, vérification en temps réel, solutions de garde) devra suivre. Avec ce nouveau cadre, Ethereum pourrait devenir la colonne vertébrale de cette finance du futur, intégrée à des secteurs clés comme la finance, l’identité numérique ou la protection des données personnelles.
Avertissement : les crypto-monnaies sont une classe d’actifs à haut risque. Cet article est fourni à titre d’information et ne constitue pas un conseil en investissement. Vous pourriez perdre la totalité de votre capital.
Source : CoinPaper
Sur le même sujet :